Non. C’est plutôt une redéfinition du rôle.
Comme le dit Jeanne Bordeau, professeure à la Sorbonne : à l’ère du numérique, un chef est un storyteller. Il doit pouvoir transporter son auditoire, avoir un discours qui allie instinct, force et « dire juste ». Il sent mieux que quiconque ce qui se passe « au-delà de la colline », convoque la raison pour convaincre et persuade grâce à l’émotion.
La seule difficulté : la ou le leader de l’ère digitale va devoir être légitime par son savoir et son expérience, l’image qu’elle ou il donne de soi et la justesse de sa parole autant que celle de sa présence. On va avoir envie de suivre une ou un tel leader parce qu’elle ou il bénéficie à tous et possède des qualités multiples. C’est le challenge de cette transformation du leadership en train de s’opérer aujourd’hui : les leaders possédant tous ces atouts sont extrêmement rares, voire introuvables !
La ou le leader digital innovant de demain doit être le vecteur de l’innovation et de la créativité collectives
L’autre constat est que le leadership traditionnel est en train de disparaître. Quel est-il ? Celui qui consiste à définir la direction à suivre. Il ne peut fonctionner que lorsque la solution à un problème est simple, accessible sans trop d’efforts et surtout connue d’avance. Or, la problématique actuelle née du développement du digital et de la mutation du monde est plutôt la complexification, l’incertitude accrue et l’effondrement des réponses traditionnelles. Aujourd’hui, tout problème, ou presque, nécessite une réponse originale, complètement virginale, et personne ne peut envisager par avance le contenu de celle-ci. Cela nécessite donc de pouvoir développer un travail constant avec l’incertitude comme compagnon de route. Le rôle d’une ou d’un leader dans un tel contexte n’est donc pas de définir une vision et de motiver les autres pour la mettre en œuvre, mais de créer une communauté pouvant produire, en s’appuyant sur des méthodes novatrices et intuitives, de nouvelles idées évoluant avec le contexte actuel et futur hautement incertain. La ou le leader de l’ère digitale favorise la collaboration, l’apprentissage par la découverte et l’expérience, et la prise de décision intégrative en mode design thinking. Il doit donc aussi porter 3 capacités organisationnelles :
1- le contact ou « frottement créatif »,
2- l’agilité créative et
3- la résolution créative.
Le premier point est indispensable car, dans un monde connecté, redevenu interdépendant, « interconnecté », c’est l’action qui est la plus efficace pour gagner du temps sur la chaîne de la création. Une idée ou un concept confronté immédiatement à la réalité – bien avant sa finalisation – permet d’immédiatement retrouver le cap en cas de mauvaise direction. Dans cette perspective, le collaboratif est indispensable et la peur de l’échec laisse la place à l’échec potentiel comme action.
L’agilité créative, tout aussi indispensable, permet de rebondir continuellement, d’aller chercher des idées dans des secteurs de plus en plus vastes, de pouvoir constamment remettre en question son action et sa pensée dans le but d’une résolution constamment optimisée. C’est une qualité fondamentale dans le contexte bouillonnant actuel.
Enfin la résolution créative, permet de toujours envisager une évolution du résultat. Ce n’est jamais une fin figée, car cela n’existe ni dans la nature, ni dans les processus sociaux ou économiques. Envisager ce type de résolution permet d’être et de demeurer créatif, innovant et à la pointe de l’évolution, même lorsqu’on pense que le résultat est atteint. En fait, le résultat n’est jamais atteint, c’est la beauté de l’impermanence de la vie.
En bref, la ou le leader digital innovant de demain doit être le vecteur de l’innovation et de la créativité collectives.